Tout au long du 20e siècle, et plus particulièrement pendant sa première moitié, Paris n’a eu de cesse d’accueillir des artistes du monde entier. Persécutés dans leurs pays, stigmatisés pour leurs couleurs de peau, ou simplement en quête de liberté créative, Paris fut leur refuge. Une attractivité qui a fait de Paris la capitale artistique mondiale de cette époque, où les influences se sont mélangées, enchevêtrées, et ont parfois fusionné.
Si les artistes juifs de l’École de Paris (Chagall, Modigliani, Soutine) sont parmi les plus réputés de cette période, une importante communauté afro-américaine est elle aussi venue en France, à la recherche d’inspiration et de liberté. Tout n’était pas rose, mais tout était plus facile que dans leur pays d’origine. Il n’y avait pas de jugements à Paris qui, au sortir de la Première Guerre mondiale, avait soif de plaisirs pour oublier les terribles épreuves endurées.
Joséphine Baker, arrivée en 1925, en est bien évidemment la plus grande icône. Mais d’autres artistes, et notamment des peintres, ont trouvé dans les galeries parisiennes, où l’art tribal africain jouissait d’une grande popularité, et dans les paysages de rue matière à approfondir leur art.
C’est le cas notamment de Loïs Mailou Jones, née à Boston en 1905. Première diplômée afro-américaine de l’école des Beaux-arts de Boston, elle fait sa première exposition personnelle à l’âge de 18 ans. Écartée de l’enseignement à cause de sa couleur, elle rejoint l’Université Howard de Washington, surnommée Black Harvard, en 1930. En 1937, elle part étudier la peinture à l’académie Julian à Paris. Elle y trouvera une liberté d’expression inaccessible aux États-Unis, et aucun critère de race dans le jugement de ses oeuvres. Un séjour qui marquera le reste de sa carrière.
Bien que ces oeuvres ne soient pas les plus emblématiques de Loïs Mailou Jones, elles permettent d’appréhender la place de Paris dans l’histoire (de l’art) afro-américaine. Suivant les pas des artistes de Montmartre du début du siècle, elle dessina la Butte et ses toits. Sur ceux des impressionnistes, les ponts de Paris, ses jardins, et ses scènes du quotidien. Comme pour tout artiste de l’époque, Paris faisait figure de passage obligé dans la recherche d’expression artistique.
C’est d’ailleurs à Paris que l’artiste réalisa l’une de ses oeuvres les plus connues, Les Fétiches (1938, Smithsonian American Art Museum – Washington, D.C) ou se côtoient influence africaine et cubisme, alors très en vogue en France.
Citons également la sculptrice Augusta Savage. Extrêmement douée, elle se voit refuser en 1923 une bourse pour étudier en France, du fait de sa couleur. L’artiste se transforme en activiste. Elle attaque le comité d’admission et continue à sculpter à New-York, principalement des bustes d’enfants noirs du quartier de Harlem, et participe ainsi à la reconstruction artistique et visuelle de l’identité afro-américaine dans un contexte d’exclusion et de ségrégation. Quelques années plus tard, l’une de ses sculptures connait un très large succès, et Augusta Savage obtient sa bourse pour Paris.
Elle s’installe dans le quartier de Montparnasse, d’abord dans l’atelier du sculpteur français Félix Benneteau-Desgrois, puis ouvre son propre atelier. Là encore, les injustices et le racisme subis aux États-Unis sont loin. Elle remporte plusieurs prix, a le droit à une exposition personnelle dans la célèbre Académie de la Grande Chaumière, et le gouvernement français lui décerne même une médaille pour ses œuvres.
De retour à New York, elle sera l’une des artistes les plus célèbres de Harlem.
Augusta Savage et Loïs Mailou Jones ont participé à la Renaissance de Harlem, mouvement culturel et artistique de renouveau de la culture afro-américaine. Paris, à sa manière, y a participé également.