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Manger à Paris au Moyen Âge

Souvent considérée comme une période violente et inculte, le Moyen Âge est bien loin, lorsque l’on s’y intéresse de plus près, de ces clichés. Une époque où le goût avait toute son importance, et qui recherchait déjà dans les repas, au-delà de la simple fonction restauratrice, la notion de plaisir. Mais la gastronomie était un concept encore lointain, et les coutumes bien différentes. Si l’art de la table et l’ordonnance des plats existaient déjà, ce privilège était réservé à l’aristocratie et la bourgeoisie. Une époque où les inégalités se trouvaient aussi (et déjà ?) dans l’assiette !

Dominée par les rapports de force, le contrôle par la religion et une hiérarchie des classes sociales bien définie, la société médiévale considérait l’aliment d’une manière bien différente d’aujourd’hui. Leurs qualités et leurs vertus nutritives étaient considérées en fonction des éléments naturels. Tout ce qui se rapprochait du ciel, et donc de Dieu, était particulièrement recherché. Par opposition, tout ce qui était sous la terre était considéré comme grossier. Paris n’était d’ailleurs pas réputée au 14e siècle pour la qualité de ses plats. Ville la plus peuplée de l’occident médiéval, ses rues étaient le plus souvent un cloaque sale et mal-odorant. Le goût était réservé aux palais et aux hôtels particuliers. Le peuple, dont la priorité était de trouver dans la nourriture la force et l’énergie suffisantes pour assurer les labeurs quotidiens, n’avait pas encore le luxe de penser à se régaler les papilles.

Pain et oeufs : base de l’alimentation au Moyen Âge

Quelle que soit la classe sociale, le pain était à la base de tous les repas. Mais les inégalités existaient même dans ce domaine. Le bourgeois ne consommait que du pain de froment – qui est le même blé tendre que nous utilisons aujourd’hui pour le pain – lequel offrait un beau pain blanc de qualité. Le parisien plus modeste se contentait de pain d’orge ou d’un mélange de blé et de seigle. Celui-ci était frotté sur de la viande ou des légumes, puis plongé dans un bouillon, du lait ou encore du jus de viande.

Chez le bourgeois, l’utilisation du pain était bien différente ! Découpé en épaisse tranche, il servait d’assiette. On y déposait dessus la viande, qui l’imbibait de jus et le ramollissait quand il était rassis. Une fois la viande terminée, on mangeait ce délicieux bout de pain au jus de viande. Le tout avec les doigts et un couteau, puisque la fourchette ne sera d’usage qu’à partir du 16e siècle.

L’oeuf était aussi de tous les repas. Un plat simple qui pouvait être mangé tel quel, ou entrait dans la composition des sauces, des terrines et des potages.

Viande et légumes

Pour les raisons expliquées plus haut, qui accordaient aux mets proches du ciel une qualité supérieure, la carotte entrait très rarement dans les plats de qualité, et n’était consommée que par la population la plus pauvre. Comme l’ail, l’oignon, les poireaux ou encore les navets. A contrario, les fruits, parfois confis dans le miel, étaient très fréquents sur les belles tables, tout comme les céréales et les amandes, issus de tiges et d’arbres qui s’élèvent dans les airs.

Côté viande, et pour les mêmes raisons, étaient particulièrement appréciés les oiseaux. On consomme également de la viande de boeuf ou de mouton rôtie à la broche ou en ragoût, tandis que le veau est réputé pour être la viande la plus délicate. Sur les plus belles tables sont servis en plus des gibiers à plume, le cerf, le chevreuil, le héron, le cygne ou le paon.

La viande n’était que très peu consommée chez les pauvres, qui avaient plus besoin de leurs productions (oeuf, lait, laine) que de leur chair. Le porc tenait néanmoins une place importante dans les repas, et les tranches de lard venaient souvent enrichir le pain ou la soupe. Paris et sa région offrait de nombreux légumes comme le choux, à la base de tous les potages, la laitue, le pois et les fèves, riches en énergie et protéines.

À noter que la pomme de terre est arrivée bien plus tard (à partir du 16e siècle), comme le riz, et n’étaient donc pas consommés à Paris au Moyen Âge.

Les jours maigres

Les jours maigres, la viande disparaissait des assiettes au profit du poisson. Et ces jours étaient nombreux ! Selon le nombre de fêtes religieuses, d’hommages rendus aux saints du quartier ou de sa corporation et en comptant tous les vendredis, ils pouvaient être plus de 100 par an. Le pauvre ne consomme que du hareng fumé ou salé, et le moins pauvre peut se payer de la seiche. Le bourgeois apprécie le maquereau, la morue, l’anguille, le saumon ou le brochet.

Le Mesnagier de Paris, ouvrage de référence de cuisine médiévale française écrit au 14e siècle, donne pour ces occasions quelques recettes de galantine de poisson froid, d’espimbèche de rougets, ou encore de civet d’huîtres nappé de sauce de cannelle, de girofle, de poivre long et de safran. Des jours censés célébrer l’abstinence et l’introspection, qui n’étaient pas si maigres chez le bourgeois parisien !

Herbes et épices

Rapportées par les croisades, les épices étaient abondamment utilisées. Les plats étaient systématiquement  composés de sauce, de bouillon ou de jus, agrémentés d’herbes ou d’épices. Et plus il y en avait, plus c’était bon ! Mais les épices exotiques étaient un luxe que les plus pauvres pouvaient rarement se payer. Elles étaient remplacées par de la moutarde, qui poussait partout, et qu’il fallait simplement faire moudre chez l’épicier, du persil, du thym, de la sauge ou du laurier, mélangés à du Verjus, jus acide extrait des raisins n’ayant pas mûri.

L’épicier vendait aussi du poivre, épice la plus utilisée, la girofle, le gingembre, la cannelle, la noix de muscade, la maniguette (ou graine du paradis), venue d’Afrique, ainsi que le très précieux safran.

On buvait quoi ?

Du vin, surtout, et beaucoup. Entre 2 et 3 litres par jour et par personne. L’Île-de-France était une très importante région viticole, et le vin de Chaillot, d’Argenteuil ou de Suresnes avait très bonne réputation. Contrairement à ceux de Vitry, Montreuil, Vanves ou Clamart, que le pauvre allait acheter en pot chez le tavernier. Si la bière, cervoise enrichie de houblon, est déjà connue dans le Paris du Moyen Âge, elle est très peu consommée.

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