Accolé à l’église Saint-Germain-des-Près, le petit square Laurent Prache cache une mystérieuse histoire. Celle d’un cadeau fait à la ville de Paris par Picasso en 1959, disparu à la fin du 20e siècle et retrouvé dans un sous-bois du Val-d’Oise… Comment et pourquoi ? Cela reste aujourd’hui encore un mystère. Une drôle d’histoire de l’art à découvrir lors de vos flâneries parisienne dans le 6e arrondissement.
« À Guillaume Apollinaire ». C’est avec ces quelques mots que se présente un monument commémoratif que l’on peut contempler dans le square Laurent Prache, à quelques pas de l’église Saint-Germain-des-Près. La sculpture qui trône sur la stèle ne représente cependant absolument pas le poète, ami intime de Picasso, mort en 1918. Mais plutôt Dora Maar, muse et maîtresse du peintre espagnol, qui en réalisant ce buste a souhaité réunir en un lieu symbolique deux des personnes les plus importantes de sa vie, figures mythiques de l’histoire intellectuelle du quartier.
Tout allait bien jusqu’à un matin de mars… 1999. Le 31 mars exactement, le quartier s’éveille en découvrant le socle nu. Dora Maar a disparu ! Seules quelques traces de burin témoignent du vol. À part cela, aucune piste, et on pense le buste définitivement perdu dans les méandres du marché de l’art illégal.
En avril 2000, un retraité passionné d’art, nommé Ange Tomaselli, visite le château de Grouchy dans le Val d’Oise, lieu culturel qui est également la Mairie de la petite ville d’Osny. En entrant dans le hall principal, celui-ci remarque une étonnante statue en haut de l’escalier monumental. Grand érudit, il y voit tout de suite un Picasso, et se rend auprès du Maire pour glaner plus d’informations sur cette oeuvre. Quelle surprise lorsqu’on lui répond que ce buste n’est pas du tout un Picasso, mais qu’il a été retrouvé par des agents municipaux au fond d’une fosse dans le sous-bois qui jouxte les jardins du Château !
L’oeuvre, jugée pas très esthétique mais plutôt originale par les services culturels de la ville, et qui n’a pas fait l’objet de recherches approfondies, fut alors exposée dans la Mairie, à la demande du Maire. M. Tomaselli repart sceptique. Mais puisque personne ne veut le croire…
Quelques mois plus tard, notre tenace retraité tombe sur une photo de la sculpture dans un livre d’art mentionnant le vol de 1999. Il avait vu juste ! Avertie, la mairie de Paris entame alors une procédure contre celle d’Osny, coupable malgré elle de recel. Confus, voire déconfit, le Maire de la petite ville du Val-d’Oise sera obligé de reconnaitre son erreur, et la statue est réinstallée à Paris le 18 décembre 2001.
Un retour fait sans aucune cérémonie officielle et à l’abri des riverains. Tant et si bien que depuis, certains accusent la Mairie d’avoir installé ici une copie… S’il restera toujours l’ombre d’un doute, on peut tout de même affirmer que Dora Maar a retrouvé Saint-Germain-des-Près.
Si ce buste pouvait parler, il aurait probablement bien des histoires à nous raconter…
