Jusqu’au début du 20e siècle, l’extrémité sud du Pont-Neuf, située sur la rive gauche, était restée dans son jus médiéval. Un urbanisme chaotique qui avait d’ailleurs couté la vie au prix Nobel Pierre Curie, mort en 1906 en traversant la rue Dauphine à cet endroit. Dans les années 1920, la Mairie de Paris racheta les terrains pour créer un nouvel ensemble immobilier, appelé aujourd’hui carrefour Curie. Au sommet de l’un des immeubles est visible une sculpture pour le moins originale : À la gloire de la Seine.
Une fois les anciens immeubles démolis par la Mairie, le terrain fut vendu à une société immobilière, laquelle fit appel à l’architecte Joseph Marrast et au sculpteur toulousain Carlo Sarrabezolles pour y édifier trois immeubles mariant l’architecture brique et pierre du début du 17e siècle au style des années 1930. L’artiste Carlo Sarrabezolles décida de rendre hommage à la Seine, dans cette zone autant symbolique qu’historique, située à la croisée de la Monnaie de Paris, plus vieil institution encore en activité, du Pont-Neuf, plus vieux pont de Paris, et de la rue Dauphine, commandée par Henri IV au début du 17e siècle en même temps que la place royale du même nom.
Carlo Sarrabezolles et la technique de la taille directe du béton en prise
Né à Toulouse en 1888, Carlo Sarrabezolles est l’inventeur d’une technique de sculpture bien particulière : la taille directe du béton en prise. En d’autres termes, il réalise son oeuvre directement sur le béton une fois celui-ci coulé et avant qu’il ne soit trop dur pour être travaillé. La sculpture est ainsi réalisée sans aucune maquette, ni moule, ni recul sur l’oeuvre, pendant plusieurs heures d’affilée. Autant dire que l’erreur n’est pas permise !
- Voir aussi : le premier immeuble en béton armé de Paris.
Ce procédé a été inventé par l’artiste en 1926 lors d’une commande pour le clocher de Villemomble (Seine-Saint-Denis), dont la paroisse n’était pas bien riche. Une solution économique qui lui permit d’essayer un genre artistique nouveau, basé sur l’instantané.
La Seine est ici représentée par une femme portant une rame, entourée par quatre centaures dominant les flots. Celui de gauche tient dans ses bras la cathédrale Notre-Dame de Paris, le deuxième souffle dans une conque et tient une torche, le troisième porte le caducée d’Hermés (dieu des voyageurs) et une corne d’abondance et le quatrième, à droite, tient un bateau, emblème de la ville de Paris.
Si l’ensemble immobilier a effacé le vieux Paris qui se trouvait jadis ici, il suffit de faire quelques mètres pour le faire réapparaitre. Une fois passé sous le porche de l’immeuble où trône La Gloire de la Seine, tel un portail temporel, vous découvrirez la jolie rue de Nevers, et plus loin celle de Nesle, restées quasiment intactes depuis le 17e siècle.
Au bout de la rue se trouve un vestige de l’enceinte Philippe-Auguste.