Pauvre Geneviève. Accueillant depuis la Seine les visiteurs qui rentrent dans la capitale à l’Est de Paris, elle est ignorée par ceux qui ne voient d’elles que son dos brut et droit. Une sculpture que même son auteur, Paul Landowki, a dédaignée, navré par les exigences de la commande qu’il n’a jamais vraiment acceptées.
Et pourtant, cette sculture, s’élevant sur le Pont de la Tournelle, est peut-être l’un des plus importants symboles de Paris : celui de Sainte Geneviève, Sainte Patronne de la capitale.
Le Pont de la Tournelle
Construit en 1928 sur les vestiges de ponts en bois écroulés et d’un autre – en pierres – rendu vulnérable à la suite de la grande crue de 1910, le pont de la Tournelle tient son nom d’une vieille tour de l’enceinte Philippe-Auguste qui s’élevait sur ce quai de la rive gauche.
Le projet, pour souligner la dissymétrie du pont qui épouse les formes de la Seine, prévoyait de surmonter la pile sud d’un socle surmonté d’une statue de Sainte Geneviève. Une oeuvre confiée à Paul Landowki, sculpteur français qui réalisera quelques années plus tard l’une des statues les plus connues au monde : le Christ Rédempteur de Rio de Janeiro.
Alors que les plans du pont sont validés, Landowski remet en question l’orientation de Sainte-Geneviève, qu’il souhaiterait tournée vers Notre-Dame. Après de longues tractations, c’est le projet initial qui sera finalement ordonné, au grand dam de l’artiste, en attestent ces notes retrouvées au sujet du projet :
(14/08/1928) : « Passé au Pont de la Tournelle […] Toujours aussi mauvaise impression. C’est une affaire complètement ratée. Impossible que ça reste ».
(20/06/1943) : « Et combien je me désole, quand en me retournant, j’aperçois cet affreux pilier de ma pauvre sainte Geneviève ! ».
(Landowski – l’oeuvre sculpté – Michèle Lefrançois)
L’artiste ne participera d’ailleurs pas à l’inauguration du pont le 27 août 1928.
La sculpture représente Geneviève protégeant un enfant – Paris – enfant qui protège lui-même une nef, emblème historique de la capitale.
La légende de Sainte Geneviève
Née à Nanterre en 423, Geneviève n’était pas une fille de berger – comme l’a longtemps fait croire la légende – mais d’un magistrat municipal de Paris. Fervente croyante dés son plus jeune âge, elle récupéra à la mort de son père sa charge au conseil municipal et s’installa à Paris. Vers 20 ans, elle fut ordonnée par l’Evêque de Paris « Vierge Consacrée ».
En 451, Attila et les Huns franchissent le Rhin et partent en campagne contre la Gaule. Ils pillent Metz, Reims, et se dirigent vers Paris. Les parisiens, apeurés par la légende du guerrier barbare, décident de quitter la ville. Geneviève exhorte au contraire Paris à se battre, soutenue par les femmes, prêtes à suivre cette vierge qui prie nuit et jour pour la sauvegarde de la ville.
Miracle, Attila et ses troupes contournent finalement Paris et se dirigent vers Orléans. Les parisiens ne subiront finalement pas la foudre des Huns, sauvés par les prières de la jeune et courageuse Geneviève…. L’histoire raconte aussi qu’Attila n’avait aucun intérêt pour Paris, mais peu importe, une légende était née !
C’est pour cette raison que la statue de Sainte-Geneviève regarde vers l’Est, en direction des troupes d’Attila qui ont miraculeusement contourné Paris. Des reliques de la sainte sont également visibles dans l’église Saint-Étienne-du-Mont.