Depuis plus de 1.500 ans, Paris est sous la protection de sainte Geneviève qui, par ses prières et son courage, a sauvé plusieurs fois la capitale de la famine et de la destruction. Retour sur l’histoire de cette grande figure parisienne.
La vie de Sainte-Geneviève
Née à Nanterre en 423, Geneviève a longtemps été présentée comme une simple bergère, légende que l’on retrouve d’ailleurs sur de nombreuses images ou statues qui la représentent accompagnée de moutons. Fille unique d’une famille qui appartenait à l’aristocratie gallo-romaine, ses parents, d’origine franque, étaient au contraire de riches propriétaires terriens qui disposaient de vastes domaines aux alentours de Paris et de Meaux. À leur mort, elle hérita de leurs biens, ainsi que de la charge de magistrat municipal parisien de son père. Elle s’installa à Paris vers 440.
Très vite, elle fut admise dans le groupe des vierges consacrées, femmes qui vouaient leurs existences à Dieu dans le célibat et la chasteté tout en vivant “dans le monde”. Ses terres lui apportaient de confortables revenus, qu’elle employait à des fins politiques ou redistribuait aux plus pauvres, revenus d’autant plus importants qu’elle s’imposait à elle-même un régime ascétique et austère. Mais à cause de ses origines franques, Geneviève fut victime du racisme des citoyens romains, qui ne voyaient en elle qu’une parvenue mystique et autoritaire.
La naissance d’une légende
En 451, les parisiens apprirent que les Huns, redoutables guerriers menés par Attila, se dirigeaient vers Paris. Effrayés, ils décidèrent de quitter la ville avec tous leurs biens. Geneviève, qui avait alors 27 ans, tenta de convaincre les hommes de ne pas fuir. “Votre ville sera conservée, leur dit-elle, tandis que celle où vous voulez vous retirer sera pillée ou saccagée. Ayez confiance en Dieu, implorez son secours, et ne trahissez point par votre fuite la cause du ciel et de la patrie”. Elle réunit en même temps un petit groupe de femmes qui tous les jours jeûnait et priait pour demander à Dieu de les épargner.
Au lieu de rallier à sa cause le peuple parisien, le mysticisme de Geneviève eut l’effet inverse. Accusée de fausse prophétie, certains citoyens voulurent l’écraser avec des pierres, d’autres la jeter dans un gouffre. Mais après avoir pillé Metz et Reims, Attila contourna Paris, descendit vers Orléans d’où il rebroussa chemin et remonta vers Châlons-sur-Marne où il si fit battre aux champs catalauniques. Geneviève avait eu donc raison, et ses prières avaient protégé Paris des cruels barbares. Après des années de mépris – et quelques menaces de mort – la jeune femme devint defensor civitatis, chargée de la protection de la cité.
En 465, alors que l’Empire romain d’Occident se déchirait autant qu’il se divisait, une guerre civile menaça Paris entre partisans de Rome et ceux des Francs, dont les troupes menées par Childéric gagnaient du terrain en Gaule du Nord. Geneviève négocia avec les Francs que la ville ne soit pas envahie. Une diplomatie qui lui permit de ne pas prendre officiellement partie pour un camp, alors que son coeur penchait clairement pour les Francs. Outre ses origines, elle voyait dans ce peuple païen l’opportunité de sauver la chrétienté, alors que l’Empire romain d’Occident était voué à la disparition et que les autres peuples barbares (Vandales, Wisigoths, Burgondes) avaient embrassé l’arianisme.
Le siège des Francs dura dix ans, pendant lesquels Geneviève força le blocus sur la Seine (probablement sous le regard averti de Childéric) et ravitailla le peuple parisien en blé. Après la victoire de Clovis, fils de Childéric, sur le dernier représentant du pouvoir romain en Gaule, elle s’allia au nouveau roi et lui permit de prendre la ville à la condition qu’il se convertît au christianisme. Après son baptême, celui-ci entra dans Paris et réconcilia les peuples Francs et Gallo-Romains. Paris devint la capitale de son royaume en 508.
Le culte de sainte Geneviève
Geneviève mourut en 512, à l’âge de 89 ans. Elle fut inhumée aux côtés de Clovis (mort en 511) dans une basilique construite au sommet de l’actuelle montagne Sainte-Geneviève. La basilique se transforma rapidement en puissante abbaye, et prit le nom de sainte Geneviève.
Véritable objet de culte, la châsse de la sainte fut l’objet de plus de 80 processions entre le 9e et le 17e siècles. La première eut lieu lors d’une invasion des Nomands en 885. L’attaque fut si soudaine que les parisiens n’eurent pas le temps de mettre la châsse à l’abri, comme c’était le cas lors des précédents pillages. On la plaça alors comme amulette sur les remparts de la ville. Les Normands ne purent s’emparer de Paris.
Paris et la France entière reconnurent Geneviève comme leur protectrice, et les parisiens prirent l’habitude, chaque fois qu’une inondation, sécheresse, guerre ou épidémie les menaçaient, de promener la châsse de la sainte. Tout un protocole régissait cette cérémonie ; la veille, les parisiens jeûnaient et le jour venu, les cloches de toutes les églises tintaient. Le cortège, composé des ordres religieux, de l’évêque de Paris, du Parlement, de la cour des comptes et des autres grands corps constitués, marchait depuis la montagne Sainte-Geneviève jusqu’à Notre-Dame de Paris puis, après une grande messe, la procession faisait le trajet retour.
Décorée d’or, d’argent, de diamants et de pierres, la châsse fut fondue sous la révolution française pour récupérer ses matières précieuses, et le contenu brûlé sur la place de Grève et dispersé dans la Seine… Des éléments retrouvés dans la crypte de l’ancienne église Sainte-Geneviève, aujourd’hui disparue, ont été placés en 1803 dans l’église Saint-Étienne-du-Mont. Ces reliques sont les dernières de la sainte visibles à Paris.
Patronne de la ville de Paris et de Nanterre, son lieu de naissance, elle est également depuis 1962 patronne de la gendarmerie.