À quelques pas de l’Opéra Garnier, la place Edouard VII est une halte somptueuse, et plutôt méconnue, appréciée par les photographes pour ses perspectives géométriques et son architecture bourgeoise. Elle est également l’occasion de s’arrêter sur la personnalité atypique de l’éphémère roi (1901-1910), qui a eu un attachement très particulier avec la ville de Paris, et ses plaisirs…
- Une sculpture de Paul Landowski, à qui l’on doit aussi la statue de Sainte-Geneviève du pont de la Tournelle
Las d’attendre de monter sur le trône, le futur Edouard VII a toujours préféré le Paris de la Belle Époque aux bonnes moeurs de son Angleterre natale. Fils ainé de la Reine Victoria, il dut attendre 60 longues années avant de succéder à sa mère. Petite de taille (1m52) mais grande de pouvoir, Victoria règnait sur le plus grand empire du monde avec autorité… et austérité. L’époque était à la morale, aux bonnes moeurs, et à la décence. Un ennui mortel pour Albert Edward, d’autant plus que sa mère ne lui laissait que très peu de place dans les affaires de l’Etat. Pourquoi donc, sans véritable fonction officielle, se languir dans la pudibonderie quand la capitale voisine offrait tous les plaisirs de la vie ?
Paris, transformée par les coups de pioche d’Haussmann, venait d’entrer dans l’ère de la modernité. Elle devint à partir des années 1880 la capitale mondiale des loisirs, du divertissement, et des plaisirs. Tous les plaisirs… La nourriture y était fameuse, et les bonnes adresses ne manquaient pas. Des qualités précieuses pour l’estomac du Prince, qui pouvait engloutir entre 5 et 10 repas par jour. Et surtout, le sexe y était sans égal en Europe. Les filles étaient contrôlées chaque semaine par des médecins, et méticuleusement choisies pour satisfaire la clientèle.
Bref, dès qu’il le peut, Édouard séjourne à Paris. Théâtres, cabarets, salons mondains, restaurants… Le Prince jouit de tous les charmes parisiens. C’est lui qui aurait même, dit-on, lancé la mode du smoking, bien plus pratique que l’encombrante queue-de-pie.
Une chambre dédiée lui est réservée au Chabanais, la plus célèbre maison close de Paris, près du Palais-Royal. Les dîners répétés jouant sur sa corpulence, celui qui était surnommé « Dirty Bertie » devient « Tum-Tum » (Gros-Bide). Il se fait alors fabriquer en 1890 une chaise sur mesure par Louis Soubrier, artisan du Faubourg Saint-Antoine, pour ne pas étouffer sa compagnie. Qui pouvait être plurielle… La chaise originale est conservée par un descendant de Louis Soubrier. Une réplique est visible au musée du sexe à Prague.
Après 60 longues années d’attente (battu depuis par le Prince Charles), Edward VII assumera sa charge avec rigueur et sérieux, menant notamment une politique d’entente cordiale avec la France. Logique, serait-on tenté de penser, après tant de services rendus…
Percée en 1911, la rue Edouard VII et sa place rendent hommage au plus parisien des rois anglais. Et la statue de Paul Landowski (1913) nous représente un souverain qui mène son cheval par la bride avec noblesse. Pour faire oublier une vie débridée ?
- À voir lors d’une balade sur les Grands Boulevards, ou après une visite de l’Opéra Garnier.