Entre les quartiers d’Auteuil et de Passy, dans le 16e arrondissement, se cache un rare témoin à Paris de l’architecture moderne. Période qui n’est pas vraiment considérée comme un mouvement artistique, mais regroupe différentes théories et créations issues de la Révolution Industrielle tentant de répondre aux enjeux d’une urbanisation massive.
Dans l’entre-deux-guerres, la priorité est à la fonctionnalité, au confort, et au rationalisme. Ce qui entrainera dans l’architecture des lignes épurées, une aération des bâtiments et l’allégement – si ce n’est la suppression – des ornementations. L’exact contraire de l’Art Nouveau en somme, qui avait émergé un peu partout en Europe au début du 20e siècle et faisait l’éloge des courbes et de l’exubérance. Longue de quelques 70 mètres, la rue Mallet-Stevens permet un délicieux voyage dans le temps à la découverte de cette page d’histoire.
Robert Mallet-Stevens (1886 – 1945)
Neveu par alliance du financier belge Adolphe Stoclet, Robert Mallet-Stevens passera de nombreux séjours à Bruxelles dans son hôtel particulier, le Palais Stoclet, réalisé par l’architecte Josef Hoffman (et décoré par Gustav Klimt), principale figure de la Sécession Viennoise. Une « oeuvre d’art totale » qui marquera profondément le jeune architecte.
Après s’être engagé dans l’aviation pendant la Première Guerre mondiale, Robert Mallet-Stevens dessine vitrines et magasins pour l’industrie et le commerce, et réalise de nombreux décors de films. En 1925, il signe plusieurs pavillons et aménagements pour l’Exposition des Arts Décoratifs de Paris qui tranchent par leur modernité. Les lignes épurées s’affranchissent des ornements, la lumière est traitée comme un matériau, au même titre que ceux issus du progrès technique (béton, fer, verre).
Son premier projet architectural d’envergure est la Villa Noailles à Hyères. Son œuvre majeure, la rue Mallet-Stevens, est inaugurée en 1927.
La rue Mallet-Stevens
L’architecte fait la connaissance en 1924 du banquier Daniel Dreyfus, qui souhaite la réalisation d’un ensemble immobilier sur un terrain de 3.800 m2 dont il est propriétaire dans le 16e arrondissement à quelques mètres de son hôtel particulier, situé rue de l’Assomption. Mallet-Stevens conçoit alors un ensemble totalement homogène, sans commerces et à l’écart du bruit, entièrement dédié à l’habitat et au calme. Tout est pensé par l’architecte, du mobilier urbain à la décoration intérieure, reprenant à son compte le concept d’art total du Palais Stoclet. Et qui avait fait le succès, certes éphémère, de l’Art Nouveau…
Un art total que l’on retrouve notamment dans les finitions, étudiées dans le moindre détail. Vitraux, grilles des portes et intérieurs furent conçus par les plus grands noms de l’époque. Contrairement à l’Art Nouveau, le modernisme ne se réclamait pas populaire. Il assumait être réservé, et surtout accessible, à une certaine élite. Les propriétaires des lieux sont de riches bourgeois, artistes et intellectuels. L’ensemble n’en reste pas moins sublime, et permet d’arpenter une création artistique rare à Paris.
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À noter que l’ensemble ne fut classé qu’en 1975, et quelques modifications ont été apportées aux bâtiments entre-temps, dont le mobilier urbain qui a disparu.
Une oeuvre unique à Paris, véritable manifeste architectural.